Baser notre notion du temps sur la course du Soleil, quoi de plus naturel pour l'espèce humaine qui peuple toute la surface émergée de la Terre ? Si nous vivions dans la mer, il est probable que nous aurions choisi de baser notre temps sur le rythme des marées. Aujourd'hui, nos connaissances, nos progrès techniques, le développement des transports et la mondialisation nous ont fait adopter un temps différent, très scientifique. Le temps solaire de nos anciens fait maintenant partie de notre patrimoine.
Remontant à l'Antiquité, les cadrans solaires sont fixes, donc liés à un emplacement géographique déterminé.
Cette simple constatation renferme plusieurs évidences qui nous font réfléchir :
Depuis l'Antiquité, la notion de temps qui passe a évolué.
Ce sont les Egyptiens qui, les premiers, vers 1500 avant J.C., ont eu l'idée de diviser le jour en 12 heures et autant pour la nuit. Le premier cadran solaire connu date de cette époque où les heures, selon la saison, étaient inégales. On n'a donc pas toujours eu la même exigence par rapport au temps. Aujourd'hui, on vit à la minute et à la seconde près. Les émissions, les spectacles, les réunions doivent commencer à l'heure. L'artisan facture son temps. Cette exigence, fruit des inventions techniques, ne s'est répandue que dans le courant du XXe siècle. Il n'en était pas de même autrefois et les cadrans solaires anciens témoignent d'une époque où l'à-peu-près était toléré car il était suffisant.
Il ne faut donc pas demander aux cadrans anciens une exactitude parfaite.
Les cadrans solaires dépendent du Soleil.
D'une part ils ne fonctionnent ni la nuit, ni lorsque le ciel est couvert, d'autre part leur conception demande quelques connaissances en astronomie.
A la différence d'une montre ou d'une horloge, qui indiquent une heure, le cadran solaire mesure un angle, l'angle horaire du Soleil, que l'on lit comme s'il s'agissait d'un temps.
En le lisant, on énonce « l'heure solaire vraie » du lieu où il se trouve.
De l'heure solaire vraie à l'heure légale.
Là où les choses se compliquent, c'est lorsque l'on veut transformer cette heure solaire vraie en heure légale, celle qui gère aujourd'hui nos actions quotidiennes.
Le décalage de longitude :
L'heure légale imposée en France est, par convention, celle du méridien de Greenwich augmentée d'une heure. Une heure supplémentaire est encore ajoutée en été.
Comme un cadran solaire n'est pas forcément situé sur le méridien de Greenwich, il faut faire une correction pour tenir compte de sa position géographique. Et ce n'est pas rien : lors d'un reportage en direct, un soir d'août, à la télé, tous les Bretons peuvent constater qu'il fait déjà nuit à Paris alors qu'il fait encore jour derrière leurs fenêtres. L'heure solaire a par exemple 50 minutes d'écart entre Strasbourg et Brest. On appelle cela « le décalage de longitude ». Il se monte à 4 minutes par degré de longitude : des minutes en moins si l'on se trouve à l'Est du méridien de Greenwich, en plus si l'on se trouve à l'Ouest, comme en Bretagne.
Ce n'est donc pas très simple.
Le méridien de Greenwich traverse la France du nord au sud
suivant une ligne qui passe entre Caen et Le Havre,
Angers et Le Mans, Niort et Poitiers, Bordeaux et Bergerac,
pour franchir les Pyrénées au cirque de Gavarnie.
L'équation du temps:
A cela s'ajoute une correction beaucoup plus compliquée due à deux causes astronomiques découvertes dès le IIe siècle par le Grec Ptolémée :
-
Le Soleil, qui paraît se déplacer sur l'équateur céleste, parcourt plutôt le plan de l'écliptique. En gros, son trajet apparent n'est pas rond, mais un peu ovale. En réalité, il s'agit du parcours de la Terre autour du Soleil, mais on ne le savait pas encore à l'époque de Ptolémée.
-
Ensuite il faut bien constater que la distance de la Terre au Soleil varie contamment dans le cours de l'année. Donc il en est de même de l'attraction exercée par notre étoile. Il en résulte pour notre hémisphère nord que la Terre se déplace plus vite en hiver qu'en été.
Les astronomes ont additionné ces deux causes et établi une équation, appelée « équation du temps ». Elle donne en minutes et dixièmes de minute la correction positive ou négative à apporter à l'heure solaire pour chaque jour de l'année.
Mais laissons la parole à Pierre Labat-Ségalen, l'un des auteurs de l'ouvrage ci-dessous. Il a apporté ses informations et son contrôle à toutes les pages de ce site concernant les cadrans solaires :
« Les tableaux suivants donnent à titre indicatif la correction à apporter en minutes pour le 1er, le 10, le 20 et le 30 du mois.
Jour du mois |
Janvier |
Février |
Mars |
Avril |
Mai |
Juin |
1 |
+3,4 |
+13,6 |
+12,5 |
+4,1 |
-2,8 |
-2,3 |
10 |
+7,3 |
+14,3 |
+10,5 |
+1,5 |
-3,6 |
-0,8 |
20 |
+10,9 |
+13,8 |
+7,7 |
-0,9 |
-3,6 |
+1,3 |
30 |
+13,3 |
0 |
+4,7 |
-2,7 |
-2,6 |
+3,4 |
Jour du mois |
Juillet |
Août |
Sept |
Oct |
Nov |
Dec |
1 |
+3,6 |
+6,3 |
+0,2 |
-10,1 |
-16,3 |
-11,2 |
10 |
+5,2 |
+5,4 |
-2,8 |
-12,8 |
-16,1 |
-7,5 |
20 |
+6,2 |
+3,5 |
-6,4 |
-15,1 |
-14,5 |
-2,7 |
30 |
+6,4 |
+0,8 |
-9,8 |
-16,3 |
-11,5 |
+2,3 |
Voici 2 exemples de lecture à LANILDUT, longitude Ouest 4°44'45 soit environ 4,75 degrés.
*
Le 10 mars vous lisez 11 h au cadran solaire.
L'heure légale sera :
11 h
+ 1 h de décalage imposé.
+ 19 minutes de décalage de longitude ( 4 x 4,75 = 19 )
+ 10,5 minutes de correction de l'équation du temps au 10 mars.
Il sera donc 12 h 30 en heure légale.
*
Le 30 septembre vous lisez 13 h au cadran solaire.
L'heure légale sera :
13 h
+ 2 h de décalage imposé : 1h imposée + 1h d'été
+ 19 minutes de décalage de longitude : 4 x 4,75 = 19
moins 10 minutes de correction de l'équation du temps au 30 septembre.
Il sera donc 15 h 09. »
Pierre Labat-Ségalen
Des œuvres d'art
Les cadrans solaires n'ont besoin que d'un style et d'un support de la taille d'un demi-cercle pour être opérationnels. Si ce support est une plaque d'ardoise carrée ou rectangulaire, il reste un espace important que les cadraniers ont souvent occupé. Dès lors, blasons, devises diverses, gravures pieuses ou nom de l'artisan illustrent de différentes façons ce petit patrimoine et en font de véritables œuvres d'art que l'on aura toujours plaisir à déchiffrer.
Ne passons donc plus devant un cadran solaire sans nous y arrêter : il est muet, mais il a tant de choses à nous dire !
EN SAVOIR PLUS
Nous recommandons la lecture de l'ouvrage ci-dessous
de Pierre LABAT-SEGALEN
et Jean-Paul CORNEC
Editions Skol Vreizh 2010
couverture cartonnée,
192 pages au format 21x30 cm
Les auteurs de ce livre, passionnés de gnomonique ( la science des cadrans solaires ), ont parcouru pendant des années, commune par commune, les cinq départements historiques de la Bretagne pour livrer dans cet ouvrage abondamment illustré un inventaire aussi complet que possible des cadrans bretons.
Le lecteur y trouvera d'abondantes explications, beaucoup plus détaillées que celles figurant sur cette page, et une grande quantité de photos en couleurs montrant l'extraordinaire variété qu'offre ce petit patrimoine encore trop peu connu du grand public.
Et pour compléter cet ouvrage, lire aussi sur internet
l'étude d'Yves-Pascal Castel.
Yannick Loukianoff