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La stèle gravée de Brélès
au Musée du Ponant à St-Renan


Datée du début du Second âge du fer : entre 500 et 450 avant J.C.

Visible au Musée du Ponant à St-Renan




GPS : 48°25'56.5 N  4°37'23.9 W






Si vous n'avez pas le temps de lire toute cette page, vous pouvez peut-être en écouter un résumé : branchez le son et retrouvez ici l'histoire de cette stèle gravée ainsi que bien d'autres éléments de notre patrimoine sur le site internet Voix du Patrimoine.



   Accès :
Le Musée du Ponant est situé en plein centre de St-Renan, au n°16 de la rue St Mathieu, en haut de la place du Vieux Marché.
Voir notre page sur le Musée du Ponant
Groupes : accueil toute l'année sur rendez-vous au 02 98 32 44 94
Parking: devant le cinéma voisin.


     La stèle est visible dès l'entrée au musée. C'est un tronc de pyramide quadrangulaire d'une hauteur de 1,28m , taillé dans du granite à deux micas et à grain fin. Epaisse de 0,38m, elle est large de 0,66 m à la base et de 0,35 au sommet. Ses pans sont différemment chanfreinés, mieux travaillés d'un côté que de l'autre. L'embase, taillée en biseau, est très courte : une vingtaine de centimètres de hauteur seulement. Cette stèle présente d'énigmatiques gravures sur deux de ses faces.

Une découverte fortuite

   La pierre gisait face principale contre terre et constituait, en compagnie d'une autre stèle non ornée, le seuil de l'appentis en ruines d'une ancienne ferme de la commune de Brélès. Elle fut découverte lorsqu'en 2001 le nouveau propriétaire voulut récupérer les pierres en vue de restaurer un mur de clôture. L'historien local Yves Chevillotte et l'archéologue départemental Michel Le Goffic en furent avisés et étudièrent les gravures. Cette étude fut publiée en 2003 par la Société Archéologique du Finistère dans le tome 131 de son Bulletin, pages 63 à 70. Par la suite, la pierre gravée demeura dehors, exposée aux intempéries, et le Musée du Ponant, afin de la sauvegarder, en fit l'acquisition en 2017. La seconde stèle, de facture très classique, fut érigée par le propriétaire en bordure de son allée. Située à l'intérieur d'une propriété privée, elle n'est pas exposée au public.

La face gravée principale


Les gravures n'apparaissent bien qu'en lumière rasante.
L'angle supérieur droit de la face principale a été ébréché.



Un socle en granit a dû être confectionné par le musée
pour faire tenir la pierre verticalement et la sécuriser pour le public.
Photos Y.L. 2019 ©


  Les gravures ont été creusées dans une face bien plane de la pierre. Les cannelures, larges de 2 cm sont profondes de 3 mm environ. Leur fond est arrondi en forme de U. On distingue trois zones :

- En bas à gauche, un cercle est partiellement entamé par la taille de la stèle en biseau. Il est surmonté de quatre autres cercles alignés horizontalement, les deux du centre étant tangents. On remarque que ceux situés à gauche ont été entamés par la taille de la pierre.

- La partie centrale est constituée d'une sorte de cartouche rectangulaire dans lequel on a gravé six crossettes. Les deux grands côtés du cartouche se terminent par des crochets recourbés vers l'extérieur. Ils s'opposent donc symétriquement et sont reliés entre eux à leur base par une cannelure supportant un triangle pointe en haut. Les six crossettes s'opposent deux à deux en position inversée, leurs extrémités arrondies sont dirigées vers les côtés du cartouche. Aucune cannelure ne ferme le cartouche dans sa partie supérieure.

- Au-dessus de la partie centrale a été gravé une sorte de X aux extrémités recourbées, qui se prolonge par deux cannelures dont l'une vient toucher une crossette et l'autre se dirige vers l'angle ébréché de la pierre.

La face de droite

  La stèle étant peu épaisse, ses flancs sont moins larges que la face principale. Celui que l'on voit à droite de la face précédente présente des gravures encore plus énigmatiques.


Sur cette face, on voit que la taille de la pierre a tronqué les gravures en haut et à gauche.
Photo Y.L. 2019 ©

  Les cannelures sont à la fois plus étroites et plus profondes que celles de la face principale. Leur section a la forme d'un V. Elles suivent une légère fente naturelle de la pierre. Et elles constituent un réseau aux mailles irrégulières, dont les bords ont peut-être été détruits par une taille ultérieure. Les gravures de cette face n'ont pas encore reçu une explication.
Au-dessous des cannelures, un vaste espace n'est pas gravé. Puis la pierre se bombe légèrement vers l'extérieur, comme si c'était le début d'une embase.
On voit aussi que l'arête de droite est soigneusement chanfreinée. Celle de gauche est moins bien travaillée.

   Malgré l'absence d'une étude approfondie de cette face par les archéologues, un examen attentif permet déjà de deviner que la pierre possède une histoire compliquée. On peut en effet supposer que les gravures de cette face sont les plus anciennes. Et qu'avant d'être tronquées par une première taille, elles se prolongeaient plus loin vers le haut et sur la gauche. C'était sans doute une grande stèle qui disposait d'une embase importante aujourd'hui disparue. Elle représentait une sorte de dallage dont les éléments s'imbriquant en pointe ont pu avoir un caractère sacré. On peut aussi imaginer que, comme sur la dalle de Saint-Bélec1 ( Finistère ), le réseau gravé a pu constituer la carte d'un territoire ou un parcellaire remontant à l'âge du Bronze. C'est beaucoup plus tard, qu'on l'aurait choisie et retaillée. Elle aurait donc été raccourcie et sa largeur diminuée afin de graver sa face principale. Enfin, à une époque plus récente, son embase aurait été supprimée. Et, taillée en biseau, la stèle qui ne pouvait plus tenir debout a pu être utilisée comme pierre tombale.

Les autres faces

  Les deux autres faces latérales de la stèle ne présentent aucune ornementation. La face la plus large est plate et sa surface est bien unie. On distingue sur l'autre face une fissure naturelle de la pierre et, près de l'embase, quelques stries parallèles.
  Le sommet de la pierre, bien plat, n'a pas été creusé.


Sur le chantier où la stèle a été solidement fixée au socle de pierre,
on apercevait au grand jour ses deux faces non gravées. Photo Y.L. 2018 ©


Une stèle gravée exceptionnelle

Marie-Yvane Daire, chercheuse au CNRS et spécialiste des stèles armoricaines de l'âge du fer avait en 2005 émis une intéressante hypothèse. Dans son ouvrage Les stèles de l'âge du fer dans l'ouest de la Gaule p. 76 et 77 elle a comparé la gravure principale avec d'autres gravures de la même époque trouvées en France et en Allemagne. Pour elle, la représentation est celle d'un char, ou chariot.


M-Y. Daire: « Les stèles de l'âge du fer dans l'ouest de la Gaule »
© Ed. Centre Régional d'Archéologie d'Alet. 2005



C'est ce que confirme l'archéologue Michel Le Goffic : la face principale représente sans aucun doute possible un char celte. Il a en effet comparé cette gravure avec une autre sur une roche du Valcamonica, en Italie :


En Italie, dans le Parc des Pétroglyphes du Valcamonica
une gravure très semblable et de la même époque représente un char tiré par deux chevaux



Face principale de la stèle de Brélès
Dessin de Michel LE GOFFIC et Yves CHEVILLOTTE. BASF tome 131 2002


Le cartouche représente la caisse du char. Les extrémités recourbées sont celles des essieux. Les roues sont démontées et représentées à l'arrière. Et l'on distingue bien le triangle du timon de l'attelage. Quant aux crossettes, ce serait peut-être les attaches des ridelles.
     Dans ce cas, pourquoi représenter un char sur une stèle servant d'habitude à signaler le lieu où l'on a enfoui une urne cinéraire ?
- Tout simplement, répond l'archéologue, parce qu'à cet endroit, comme à Vix, en Côte d'Or, se trouvent certainement non seulement l'urne, mais aussi le char aux roues démontées d'un personnage princier celte.


Au Musée du Châtillonnais-Trésor de Vix
une maquette reconstitue le char de la tombe princière.

Ci-dessous, une reconstitution de la tombe où l'on voit les restes du char et les roues démontées posées contre une paroi de la fosse.




     L'explication est séduisante. Malheureusement, la stèle ayant été déplacée pour la construction d'un appentis, il n'est pas possible de situer son emplacement d'origine.

A ce jour on n'a jamais retrouvé une seule tombe à char en Bretagne2. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu'il n'en existe pas. Le maître de conférences en histoire antique Jean-Yves Eveillard pense qu'en l'absence de tombe, si la stèle représente bien un char, celui-ci peut aussi simplement évoquer le dernier voyage du défunt.
Seules des recherches plus poussées, comme le seraient par exemple des prospections aériennes à l'aide de drones, pourront peut-être un jour nous donner la clé de l'énigme.

Mais déjà, on peut imaginer que le lieu où cette stèle fut implantée à l'origine n'était pas très éloigné de celui où elle a été trouvée, c'est-à-dire à la limite du domaine du château de Kergroadès. Et comme les gravures indiquent la présence d'une tombe princière, il est intéressant de noter la permanence de ce lieu de pouvoir au travers de deux millénaires.

     En attendant, la stèle de Brélès constitue bien un monument unique en France. Visiteurs et chercheurs peuvent dorénavant venir contempler et étudier cette pierre gravée. Elle n'est plus exposée aux intempéries et se trouve préservée durablement puisque les collections du Musée du Ponant sont inaliénables.

1- Voir la revue Sciences et Avenir - La Recherche n° 924, de février 2024, ainsi que le document très détaillé sur la dalle de Saint-Bélec publié sur le site de l'INRAP.

2- Les tombes à char se rencontrent plutôt dans l'Est de la Gaule ainsi qu'au-delà du Rhin. La plus occidentale qui ait été découverte se situe à Orval, dans la presqu'île du Cotentin, près de Coutances.


Yannick Loukianoff

***

EN SAVOIR PLUS

Sur les stèles ornées armoricaines :


Marie-Yvane Daire : Les stèles de l'âge du fer dans l'ouest de la Gaule
Ed. Centre Régional d'Archéologie d'Alet



Sur le Parc des gravures rupestres du Valcamonica :


Guide du Parc ( en italien )


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