Il arrive parfois qu'un promeneur du sentier côtier s'arrête, surpris d'entendre sous ses pieds une sourde détonation tandis qu'une gerbe d'écume jaillit des roches en contrebas. La mer est haute et une vague vient de s'engouffrer dans une grotte de la falaise. La masse d'eau a violemment comprimé l'air que contenait la cavité et, telle la bouche d'un canon, celle-ci a expulsé bruyamment à l'extérieur cet air ainsi que l'eau obstruant son passage. Le promeneur, ravi, guette alors la vague suivante, prend des photos puis reprend sa marche. Son téléphone mobile gardera en mémoire un feu d'artifice d'écumes marines.
A marée basse, c'est à partir de la plage ou de la grève que l'on est attiré par le monde mystérieux des cavernes de la côte. Quel enfant n'en a pas fait la fantastique exploration ? Quels amoureux ne s'y sont pas réfugiés ?
Depuis quelques années, le Parc Naturel Marin d'Iroise a entrepris une étude systématique de ces grottes qui abondent autour des îles et tout le long de nos côtes. La majorité d'entre elles ne sont accessibles qu'en bateau et sont donc préservées. Ce sont des milieux exceptionnels par leur taux d'hygrométrie, leur température, la petite faune qui les occupe et les algues rouges, venues des profondeurs, qui s'y développent en toute quiétude. Les grottes marines sont un monde patrimonial à part que nous rêvons de découvrir, mais que nous devons préserver de toute pollution afin de les transmettre, intactes, à d'autres générations. Et nous les conserverons ainsi toute notre vie dans un petit coin intime de notre mémoire.
Le passé n'a de vrai que ce qui nous demeure... nous dit si joliment l'auteure du poème ci-dessous.
La Roche Brune
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Un poème d'Irène Gaultier-Leblond

Méandres du hasard, allégeance ou fortune,
Je voyais approcher sous le récif puissant
Qui arpentait la côte en limitant le vent,
L'entrée de la retraite appelée Roche Brune.

Et je revivais là, sous promesse de lune
D'un pas aventuré, curieux et prudent
La parenthèse émue d'un souvenir galant
Gravé dans cette grotte à la nuit opportune.
Mais le temps en avait rongé la griffe intime
Tout comme la mémoire en refusait l'accès,
Etait-ce Arthur ou Jean, ce sourire sublime ?
Je ne raviverai ni le nom, ni le leurre
Puisque les cœurs du moins sont restés enlacés,
Le passé n'a de vrai que ce qui nous demeure.
Irène Gaultier-Leblond
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