Retour à l'accueilAnglais    Allemand    Espagnol    



Les stèles gauloises du Second Âge du Fer
( 500 > 300 av.J.C. )

Des monuments anciens, nombreux et méconnus


   En Bretagne, et spécialement dans le Léon, tout le monde les connaît sans le savoir car on en voit partout. Ce sont le plus souvent les fûts en granite des croix que l'on rencontre au bord des routes et il apparaît nettement que le symbole chrétien qui les surmonte n'est pas d'origine. Il a été ajouté beaucoup plus tard. Parfois on aperçoit simplement la gravure d'une croix entaillant la pierre.
    Ce sont des stèles gauloises qui ont été christianisées par la suite et presque toujours déplacées. Elles ont été plantées, comme toutes les autres croix, soit à des endroits dangereux, gués, ponts, carrefours de chemins, là où les fidèles redoutaient que le diable ne vienne emporter leur âme, soit pour constituer des haltes de prières destinées aux pèlerins et voyageurs. L'adjonction d'une croix ou d'une gravure n'est pas le seul mode de christianisation du monument. Il est vraisemblable que sans cette réutilisation sacrée, ces petits monuments auraient été tout simplement détruits. En certains endroits cependant, les stèles ont été respectées, des tombes ont été ajoutées aux urnes et un édifice chrétien, chapelle ou église a été élevé. Par exemple au Bono, dans le Morbihan, où le visiteur de l'enclos paroissial est accueilli par une stèle gauloise ovoïde incluse dans le placître.



Dans le Pays d'Iroise, il en est de même auprès des chapelles St-Samson et St-Ourzal ainsi que de l'église de Portsall. A Ploudalmézeau et à Milizac, le mur du placître la frôle pour la laisser soigneusement à l'extérieur tout en la respectant.
  Certaines stèles n'ont cependant pas été réappropriées par la religion chrétienne, mais déplacées et réutilisées dans des constructions.



  Peu de ces stèles sont donc restées intactes à leur emplacement d'origine. On en découvre parfois encore, enfouies dans la végétation. Lorsque des fouilles ont été effectuées à leur pied, elles ont souvent révélé une ou plusieurs urnes cinéraires dont la fabrication peut remonter jusqu'au VIe siècle avant J.C. L'archéologue Marie-Yvane DAIRE propose pour l'érection des stèles une fourchette de datation de la fin du VIe siècle à 250 avant notre ère. Une coutume qui n'aurait duré que deux siècles et demi seulement.
Ce sont donc des monuments funéraires du Second Âge du Fer qui méritent notre respect.


Coupe d'une stèle funéraire

Les stèles ont pu être taillées directement dans un bloc de roche, presque toujours du granite. Le Bas-Léon ne manque pas d'affleurements granitiques dans les champs.
Des archéologues pensent que quelques stèles seraient, en fait, des menhirs retaillés. Il est probable aussi que de nombreuses stèles en bois ont été érigées, mais seules ont subsisté les pierres de calage placées à leur pied.

  On distingue deux types de stèles en pierre :
-   les stèles « basses », c'est-à-dire dont la hauteur ne dépasse pas la largeur, qui sont souvent hémisphériques ou ovoïdes, parfois quadrangulaires, soit dotées d'une embase, soit posées à même le sol. Très répandues dans le Morbihan, elles sont beaucoup moins nombreuses dans le Léon.



-   les stèles « hautes », mais rarement plus hautes qu'un homme, troncôniques ou pyramidales, à section ronde, rectangulaire, ou polygonale. Elle sont très nombreuses dans le Finistère. Ce sont celles-ci qui ont évidemment été le plus souvent choisies pour supporter une croix.




  On constate que la partie enfouie, l'embase, généralement beaucoup plus volumineuse, est simplement brute de taille.
Par contre, la partie hors sol est lisse, bien travaillée, parfois ornée de cannelures ou de cupules.
Les urnes qui ont été découvertes à leur pied sont souvent des poteries communes renfermant les cendres d'un défunt et recouvertes d'une pierre plate. Ce sont elles qui permettent une datation lorsqu'on analyse leurs restes d'ossements au carbone 14 ou que l'on compare les poteries à d'autres qui ont été datées.


Reconstitution d'inhumations et d'enfouissement d'urnes cinéraires au pied de la stèle
de Roz-an-Tre-Men à Plomeur. Musée de Préhistoire de Penmarc'h ( Finistère ).


    Ce n'est qu'au milieu du XIXe siècle que les chercheurs ont commencé à s'intéresser à ces petits monuments très répandus dans le Léon, en Cornouaille et dans le Morbihan. Dans le Léon, il faut citer le manuscrit abondamment illustré que rédigea dans les années 1920 le Cdt Etienne MOREL, ainsi que, 40 ans plus tard, les prospections de l'instituteur Louis TALEC. On trouvera dans l'ouvrage ci-dessous, de Marie-Yvane DAIRE et Pierre-Roland GIOT un inventaire des stèles gauloises du Léon ainsi que la publication du manuscrit du Commandant MOREL daté de 1926 qui constituait déjà une étude très approfondie de ces pierres funéraires chargées d'histoire. Ses nombreux dessins sont particulièrement précieux lorsque l'on se penche sur l'évolution des stèles dans un environnement en perpétuel changement.

Yannick Loukianoff

EN SAVOIR PLUS




Marie-Yvane DAIRE et Pierre-Roland GIOT
Institut Culturel de Bretagne - Skol Uhel ar Vro
Travaux du laboratoire « Anthropologie-Préhistoire-Protohistoire-Quaternaire armoricains »
Rennes 1989




Marie-Yvane DAIRE
Centre Régional d'Archéologie d'Alet
Supplément N°AB
Rennes 2005



   Le Musée de la Préhistoire de Penmarc'h rassemble à St-Guénolé, parmi bien d'autres objets, un grand nombre de stèles gauloises de différentes tailles provenant de tout le Finistère et apportées là au cours de la première moitié du XXe siècle afin de les préserver. La visite de ce musée exceptionnel du Pays bigouden n'est plus possible car il a été fermé pour des raisons de sécurité et ses collections confiées au Centre départemental d'archéologie. Mais on peut toujours voir les stèles qui sont disposées à l'extérieur du bâtiment.
Tous renseignements au 02 98 58 60 35.



Merci à Jean-Yves Eveillard, maître de conférences en histoire ancienne à l'Université de Bretagne occidentale et chercheur au CRBC, pour son aide, ses conseils éclairés et ses prêts de documents.

***